Le XénoXénisme
est une extrapolation du XenoFéminisme. En tant que tel il dépend de la licence GPL.
Les humains sont-ils une espèce? L'humanisme a passé son temps, il faut désormais viser plus haut: l'humanité est un spectre, et ses limites sont loin d'être claires. Les individus sont-ils uniques? Sont-ils même réellement des entités autonomes? S'il est impossible de définir votre algorithme propre, ce n'est pas parce qu'il est caché ou même difficile à entrevoir. Il n'y a tout simplement pas d'algorithme individuel: les personnalités sont basées sur des modèles, mis à disposition par le social. Bien que chacun de ces modèles est bien doté d'un algorithme propre, aucun contenu mental ne peut être décrit comme étant le produit d'un algorithme en particulier. Ici est le mystère: la technologie promeut l'individualité, mais finit par effacer les différences individuelles, à travers un calibrage méticuleux des personnalités. Ce processus est souvent appelé "coercition".
L'humanité est à un stade hybride: à moitié préhistorique, à moitié cyborg, et pourtant il nous a toujours été répété que chaque agent social est responsable de ses propres actions. En effet, un aspect de la personnalité semble conduire la machine, mais plusieurs autres éléments contribuent à cet incessant dialogue interieur qu'on appelle la conscience. Notre système cognitif est un système fini, ce qui fait de la conscience un processus coûteux, intégrant à la volée des schémas comportementaux qui sont inscrits dans nos gênes. Les comportements instinctifs ne sont pas primitifs, ils sont des solutions à des problèmes pratiques sélectionnés par l'évolution et stockés dans notre ADN. Un gouffre inévitable apparaît donc entre les solutions que nous avons, et les problèmes que nous rencontrons. À ce moment précis de l'histoire humaine, avant que notre passé évolutif ne nous soit entièrement arraché par la réalité de l'eugénisme, il semble nécessaire de forger un nouvel outils avec lequel nous serons à mêmes de naviguer sur la mer de notre histoire génétique interne. L'émancipation effective de l'individualité demande une confrontation sans précédent de la conscience avec ses déterminismes, la plupart desquels ne peuvent pas même coexister avec la pensée consciente.
Au cours des 2000 dernières années, les tentatives de créer un cadre idéologique global erradiquant les comportements tribaux et individuels ont entièrement échoué. Le Christiannisme, l'Islam, le Communisme, Tinder: tous ces programmes sont des tentatives de canaliser les dynamiques de groupe à travers le contrôle du comportement individuel, mais aucun d'entre eux n'a pu modifier la structure de l'esprit humain. L'ordre international post-colonial n'étant qu'une illusion, la redéfinition de la civilisation est maintenant plus que jamais un sujet de discussion. En parallèle au développement de comportements digitalisés, nous avons vu des atrocités humanitaires et financières déclencher les attaques les plus brutales sur la pensée critique, juste au moment où les fruits de la société démocratique semblaient être à portée de main. Des attaques terroristes, intensives et globalisées, ont fait trembler la classe bourgeoise, lui faisant réaliser la fragilité des fondations de leur mode de vie. Des attaques sur la liberté de penser se sont matérialisées sous la forme de la prise de conscience sincère de la nature conservatrice de la pensée de gauche: tendre au changement et penser la révolution depuis son canapé n'est pas vraiment la même chose que de mettre en danger les privilèges du monde occidental. Les sociétés humaines de par le monde se sont coagulées sous la forme d'un tout globalisé, politiquement désorganisé et économiquement injuste. L'humanité est le nom que l'on donne généralement au groupe constitué par toutes les personnes vivant dans ce monde globalisé, et qui peuvent y penser, ce faisant se qualifiant pour y appartenir. À mesure que les découvertes scientifiques furent diffusées et incorporées aux pratiques sociales et à la psychologie populaire, l'humanité a traversé différents états: ces ensembles de normes sont des méthodes pour connecter les idées et les individus, afin de les organiser en réseaux. Ce sont des paradigmes qui imposent une certaine signature dans la production des individus qui les incorporent. Simultanément diminuée et augmentée, sapée et mise à jour sans cesse, l'humanité alterne continuellement entre des états contraires. Maintenant, durant cette période de transition, elle actualise ces deux états simultanément: étant purement elle-même tout en étant fondamentalement autre.
À une telle échelle, les études ergonomiques d'aujourd'hui deviennent les habitudes logiques et les limitations psychologiques de demain, et vous glisserez votre doigt vers la droite pour répondre à vos appels durant le reste de votre existence, quoi que ce cela puisse impliquer dans votre vie en tant qu'expérience globale. Dans ce monde, nos comportements sont quantifiés, et ceux qui s'occupent de le faire, impatients de nous définir, de nous modéliser, affichent des signes des meilleures intentions possibles dans le but de satisfaire nos inclinations naturelles. Qu'elles soient naturelles ou non, il est moins que certain que les inclinations qui nous sont imposées fassent comme elles le prétendent la promotion du développement individuel. L'arbitraire est de moins en moins à notre portée, et ses ersatz sont des carricatures peu onéreuses. Dans ce monde, nous sommes encouragés à être nous-mêmes, ce qui implique de pousser nos déterminismes à fond. La conséquence est que nous n'avons l'occasion d'être nous-mêmes que dans la mesure où notre comportement est prévisible. Malheureusement, baser son estime de soi sur les produits de la sphère sociale implique de maximiser uniquement les comportements qui sont récompensés pour leur prévisibilité: lorsque quelqu'un n'est pas assez prévisible, il peut aussi bien ne pas être. Dans ce contexte, il semble que notre tâche est de devenir autres
C'est l'inversion des valeurs en action: ce qu'on pense être exogène est souvent imbriqué dans notre propre identité. Ce que nous ne pouvons réellement pas comprendre nous semble absurde, et sur le long terme, l'altérité est précisément ce qui nous définit en rendant apparentes nos limites. Xenos (ξένος) en Grec signifie l'autre, comme étranger, ennemi ou hôte. Comme le mot pharmakos(φαρμακός), qui peut signifier médicament, poison ou drogue, Xenos a un sens différent selon le contexte, mais dans le terme XénoXénisme, il se réfère en priorité à la promotion de l'altérité comme un outil de subversion sociale émancipateur proposée par le XenoFéminisme. Le terme "xénisme", lui, est utilisé pour décrire des emprunts linguistiques intraduisibles, des mots étrangers introduits dans un langage-hôte sans altération orthographique et sans réattribution de genre. En faisant du processus de devenir l'autre une discipline à part entière, le XénoXénisme propose une méthode inclusive d'auto-régénération.
Ne soyez plus vous-mêmes: écoutez vos gènes.
Quels sont les biais à travers lesquels les scientifiques voient le monde? Qui vous protège de leur malice inventive? Les êtres humains ont attendu, et traversé les années 70, puis les années 80, et certains ont même attendu jusqu'à la fin des années 90 avant de comprendre comment profiter pleinement d'une humble bande-passante de données numériques. De nouvelles ressources sont nées, et elles sont plus vivantes que bien des individus; pourtant, de quelle manière sont-elles en vie? Quel type de vie un programme mène-t-il? Comment la programmation informatique reflète-t-elle de distants comportements issus de l'époque où l'habitat normal des êtres humains était situé dans des grottes et cavernes? Nous pouvons maintenant profiter pleinement de l'état actuel des choses en reprenant contact intentionnellement avec les quelques dizaines de milliers d'années d'évolution génétique et de déterminismes culturels qui sont encapsulés dans les propriétés de notre ADN. C'est ce qu'on appele XénoXénisme. Ce qui est sous les limites de l'individualité est le plus souvent perçu comme étant au dehors de cette sphère. Quand les individus croient que leur accès à leur propre altérité mérite une médiation et un contrôle externes, ils renoncent à une part de leur individualité et deviennent des produits. Sans le XénoXénisme, vous glisseriez votre doigt vers la droite pour répondre au téléphone toute votre vie durant: vos pouces eux aussi deviendront bientôt plus sensibles. L'industrie technologique a pris des décisions qui changeront très certainement le cours de l'évolution de l'espèce humaine, d'une manière plus sélective que la vieille notion de racisme ne l'a jamais fait. La sélection sexuelle a évidemment été infuencée socialement, et orchestrée en tant que création et développement d'un archétype fictif (culturel, national, régional, municipal, local...). Au 19è siècle, en quelques générations, on a pu exclure certains traits physiques parmi les plus saillants d'une population. Avec les modifications génétiques, une génération de manipulations eugénistes auraient de bien plus profondes conséquences à long terme.
La Psychologie Évolutionniste est un cadre de référence construit autour de l'affirmation que les humains sont des êtres anachroniques: le cerveau d'un homme des cavernes interagissant avec des cyber-commodités et des machines intelligentes. Toutefois, les spéculations que s'autorise la Psychologie Évolutionniste convoque la conscience humaine dans sa lutte contre le savoir médié: puisque certains sont fortement biaisés, qu'ils tentent parfois de réaffirmer la Théologie Naturelle à travers le prisme des Neurosciences, pourquoi les scientifiques devraient-ils être les seuls à être autorisés à spéculer librement sur notre passé évolutif? Quels critères utilisent-ils afin de légitimer leurs scénari spéculatifs supposés expliquer le développement d'aptitudes ayant trait à la création artistique ou à une innovation dans la fabrication d'outils de pierre? Ce n'est pas toujours clair, et l'approche critique de David J. Buller, concernant la manière dont les recherches sont effectuées dans ce domaine, n'a pas reçu d'approbation massive. Parfois, on ne peut lire dans les article de Psychologie Évolutionniste que l'envie de leurs auteurs que leur théorie particulière soit "vraie", ce qui est embarassant. Le XénoXénisme est le nom donné à toute spéculation libre, au sens large. Notre hypothèse est la suivante: une spéculation peut-elle être légitimée parce qu'elle est amusante? Le plaisir est-il vraiment quelque chose qu'il faut éviter à tous prix? Un critère du Fun peut-il être introduit dans la recherche spéculative? Le XénoXénisme voit une convergence d'une pluralité de types de recherche, dans la mythologie qu'ils génèrent. Notre hypothèse est la suivante: une spéculation peut-elle être légitime parce qu’elle est “fun”? Le plaisir doit-il être vraiment être évité en matière de spéculation? Un critère du Fun peut-il être introduit dans la recherche spéculative? Le XénoXénisme observe la convergence de beaucoup de champs de recherche dans les mythologies qu’ils génèrent. Dans le cas des Néandertaliens, on a affiché beaucoup de fantasme, et beaucoup de “faits” ont été inventés. Pourtant, en tant que tels, ils existent et peuvent être signifiants dans bien des contextes. Si les Néandertaliens sont autres, alors ils sont impliqués dans tous les types possibles d’altérité. La portée du XénoXénisme chevauche les combats idéologiques du monde réel, mais elle ne s’y limite pas. Il est spéculatif car il prend pour acquis que la réalité est composée de calques, de couches, de différents degrés, et de mondes qui interagissent et qui génèrent une infinité de nouvelles possibilités à chaque seconde. Parfois, le XénoXénisme est aussi contrefactuel.
Le XénoXénisme a été implémenté comme le chemin le plus court vers l’altérité, définie en termes de psychologie évolutionniste. Le XénoXénisme est lui-même défini comme un l’accès de chacun à sa propre altérité, sous le rapport de ce qu’on est défini à ne pas être, plutôt que ce qu’on peut être; l’autreté est le mouvement dynamique consistant à puiser dans ce qui semble être autre. Le XénoXénisme consiste à prendre en compte les déterminismes actifs en dehors du champ de l’expérience médiée de la conscience de soi, accepter la vacuité de certaines habitudes psychologiques et culturelles, en abandonner certaines et construire les activités de l’esprit en fonction de ces obstacles. Écouter ses gènes, c’est laisser une de nos autres personnalités prendre le dessus sur notre intentionnalité. Mettre de côté notre conscience intentionnelle, et laisser une des autres couches de notre personnalité contrôler les autres sans prise de recul.
L’esprit fait résonner le corps en puisant dans des banques de comportements qui sont parfois très bien camouflées. Le XénoXénisme est la réalisation selon laquelle l’autre fait partie intégrante de la personnalité, et que toute limitation entre les deux est une construction idéologique. Les humains sont constamment induits à l’expression d’une personnalité cohérente et stable au sein du monde dans lequel ils vivent. Les prêtres, les guides, les influenceurs et les usurpateurs répètent ainsi le même mantra sous différentes formes: “soyez vous-mêmes”. Pour l’esprit critique et cynique, cette injonction à être soi-même n’est rien de plus que la mise en vigueur perpétuelle des comportements compétitifs. Les relations entre coopération et compétition sont aussi complexes que celles qui lient le groupe à l’individu. Elles sont tout aussi générales et théoriques, se déroulant au delà du champ perceptif.
Dans bien des cas, les comportements compétitifs peuvent contribuer à hâter la croissance d’une aptitude donnée. Dans bien des cas, dans le cadre de la compétitivité, les aptitudes finissent par devenir ultra-spécialisées et co-dépendantes sans être capable de communiquer. Nous pouvons appeler cet état social une crise, dans laquelle les organismes co-dépendants formant une société se séparent les uns des autres à travers une lutte réelle à propos de la définition de l’algorithme de la division des ressources. Dans ce sens, le XénoXénisme congédie le comportement compétitif plutôt que la compétition, car l’objectif du processus appartient au collectif et non à ceux dont la domination est établie. Dans ce sens-là, le XénoXénisme est la volonté d’abandonner les privilèges, causes d’inégalités et induisant de la souffrance réelle.
Prendre cette pensée au sérieux induit la destruction de la sphère privée, de l’illusion culturelle d’avoir une subjectivité individuelle ou une vie personnelle, et appelle l’élimination de la propriété intellectuelle en tant que telle. Les idées ont un cadre; elles ne naissent pas d’un esprit subjectif, mais des interactions entre les différents individus qui composent un système donné. La conscience est un tel système qui comprend plusieurs entités, aussi bien qu’aucune association de personnes physiques, et elles jouent le même rôle en tant qu’entités: synthétiser plusieurs flux perceptifs sous la forme de pensées cohérentes. Si les mèmes sont comme des gènes, alors les individus répondent simplement à des vagues cycliques de stimulation sociale. Les vagues les plus plus cohésives et les plus inclusives, les vagues les moins compétitives se distinguent par une coexistence d’une intelligence collective avec une excellence individuelle.
Aussi longtemps que l’idéologie dominante fera l’éloge de la compétition, elle valorise la violence guerrière et l’esclavage psychologique de la grande majorité aux intérêts de l’oligarchie mondiale.
Ne soyez plus vous-mêmes: Écoutez vos gènes.
Le XénoXénisme recherche des modèles radicaux d’altérité, et les relie de manière cohérente. Qu’est-ce qui est autre, d’un point de vue d’humain moderne? L’histoire des sciences nous montre que la base rationnelle des procédures expérimentales n’ont pas toujours été laïques. On appelle théologie naturelle le fait de donner une explication rationnelle à des croyances religieuses, pratique courante chez certains scientifiques dont les recherches visent ouvertement à contribuer à leur idéologie. Démêler la science de la propagande n’est pas toujours simple, et croire que toute recherche scientifique est vraie indépendamment de son contexte est un piège évident. Souvent, la science est aussi dogmatique que la religion, et les liens entre les deux sont beaucoup plus complexes qu’il n’y paraît. De nos jours, il n’est pas rare que des scientifiques créent des expériences pour soutenir des thèses non-scientifiques, qu’elles soient orientées vers le créationnisme idéaliste ou vers l’anarchisme méthodologique.
Des exemples éloquents de ces variations parfois dangereuses dans la méthodologie scientifique peuvent être trouvés dans la psychologie évolutionniste. Le Xénoxénisme signifie l’empathie vis-à-vis de ce qui semble être autre, exogène, insensé depuis votre propre point de vue. L’altérité (aussi connue sous le nom d’autreté) est ce qui semble être au-delà de vos limites. Mais, en fait, ce qui est vraiment au-delà de vos limites est bien moins intelligible que cette altérité, bien plus inconcevable. Le XénoXénisme promeut l’identification de votre altérité: l’altérité est relative, mais elle est aussi figurative en tant que modélisation des limites d’un système donné (la conscience, le groupe, etc). Le XénoXénisme est ainsi, en priorité, enclin à chercher ce qui est à la limite de la définition d’humanité selon le sens commun. La question sera spécifiée ainsi: qu’est-ce qui se situe hors de la portée de la variabilité humaine?
Cette question évoque un continuum, qui commence avec les proto-humains et d’autres espèces d’hominidés éteintes depuis longtemps, et se termine avec l’intelligence artificielle et autres modélisations de l’arbitraire et de l’intentionnalité par le biais des neurosciences. Fixer un point précis sur ce spectre est nécessaire, en fonction de l’apparence contextuelle de la conscience. Ce processus demande une grande quantité de recherches et de débats, avant de pouvoir mettre de côté les biais idéologiques. Beaucoup de philosophes analytiques, de Paul Feyerabend jusqu’à Patricia Churchland, ont défendu l’Éliminativisme, qui consiste à contribuer à l’élimination graduelle de concepts inadéquats dans la psychologie populaire. Ces concepts peuvent aller de la mécompréhension de la vie quotidienne à travers de fausses catégories et de modèles simplifiés de l’esprit, à la transmission de conceptions erronées à propos du cerveau humain. On peut illustrer le premier cas avec l’exemple de l’amour: ce mot recouvre une incroyable diversité de processus individuels et sociaux, et il se base sur le modèle prescrit de reproduction de schémas sociaux, processus tenu pour être le lien qui unit les individus en société.
"L’amour" n’est ni le sexe ni l’érotisme, ni même l’amitié: ce concept flou subsume ces éléments et d’autres encore, en les oblitérant sous la forme d’une sécularisation infructueuses des valeurs religieuses dans celles d’une société démocratique. Quand nous en saurons assez à propos des mécanismes qui motivent réellement la sélection sexuelle et les alliances reproductives, la psychologie populaire arrêtera peut-être d’utiliser des catégories telle que “l’amour”. Un autre exemple d’Éliminativisme est la mauvaise compréhension de ce qu’est “la mémoire”. On imagine quelque chose comme un contenant pour les pensées et les événements, comme si les faits et les idées étaient simplement stockés dans une partie du cerveau. Les scientifiques étudiant le cerveau humain ont pour l’instant été capables de distinguer plus de trois processus fonctionnellement distincts qui ne se superposent pas comme on l’aurait pensé intuitivement. La mémoire de travail, la mémoire à long terme, la mémoire à court terme sont localisés dans différentes aires du cerveau, et sont en jeu dans différentes tâches. Elles ne sont pas systématiquement interconnectées. Quand des découvertes scientifiques sont faites, il est très rare qu’elles aient un écho immédiat dans la psychologie populaire.
Écoutez vos gènes.
Ne soyez plus vous-même.
Cette contradiction entre l’état des connaissances scientifiques et celui des échos qu’elles provoquent dans la psychologie populaire au quotidien n’est pas surprenante. Ce gouffre entre les représentations communes et savoir spécialisé provient de la nature industrielle de l’idéologie consumériste, selon laquelle les propriétaires ont le monopole sur la propriété intellectuelle et le droit de posséder les moyens de production: les consommateurs sont les travailleurs. Certains répondent que le savoir médié et le contrôle social permettent aux humains de générer des modèles plus intuitifs pour la nature et la conscience, que la coercition est la condition d’une illusion de liberté aussi bien que celle de la croissance objective du niveau de connaissance global. Ils demandent: quelles preuves le XénoXénisme pourra-t-il montrer, afin de prouver son efficacité?
Le XénoXénisme est basé sur un projet de recherche en Paléo-Anthropologie et en Psychologie Évolutionniste. Il se concentre sur l’impact social de recherches scientifiques et de l’annonce de leurs conclusions, mesuré en nombre de gros titres de journaux, et en fréquence d’affirmations contradictoires. Le sujet de la recherche était les Néandertaliens, parce que cette population presque mythologique d’hominidés a hanté la science depuis que les premières découvertes ont été faites. On a longtemps cru que les Néandertaliens, était l’autre homme; ce jumeau obscur dont l’humanité a dû se débarrasser afin de croître et de prospérer. Depuis les années 1990, des chercheurs partout dans le monde poussent la recherche dans de nouvelles hypothèses tous les deux mois, et leurs affirmations varient de 0 à 1 très rapidement, aussi rapidement que leur écho dans la presse.
Plus de nouvelles découvertes sont faite, plus leur interprétation évolue. Parmi les dernières recherches, les plus innovantes, il y a les projets de séquençage ADN, qui visent à mesurer l’impact génétique des Néandertaliens sur notre espèce. Une vaste collection d’articles en ligne a été préparée en conséquence, classés chronologiquement et commentés.
La psychologie populaire communique avec la science, et se voit mise à jour tous les quelque temps. Par exemple, bien que Sigmund Freud ait commencé à travailler sur la Psychanalyse au début du 20ème siècle, il a fallu plusieurs décennies au surréalisme afin d’en faire un outil commun, un code bourgeois. Il a fallu encore plus longtemps pour que toute la société s’adapte à cet ensemble de croyances, et les premières critiques solides, parmi lesquelles les travaux de Thomas Kuhn and Gilles Deleuze, apparaissent durant la deuxième moitié du 20è siècle.
Le monde a du attendre le 21ème siècle avant que ces critiques aient un réel impact, et l’évacuation de la psychanalyse a pu commencer à l’instant où les neurosciences prirent le devant de la scène, à travers l’incompréhension crédule des média. La disparition graduelle de la psychanalyse de la psychologie populaire n’a pas encore atteint sa masse critique; il s’agit d’un excellent exemple d’éliminativisme. La critique de l’utilisation imprécise de découvertes neuroscientifiques par la presse et les autres média s’appelle Neuroscepticisme, mot employé par Denis Forest dans ses recherches de 2014.
Le XénoXénisme embrasse la programmation informatique dans un sens particulier. On a longtemps cru que l’autisme était une pathologie mentale, un handicap des facultés normales de l’être humain en pleine santé. Il apparaît maintenant que la variabilité des machines neurologiques que l’espèce humaine peut produire est plutôt un bénéfice, et l’ère numérique ne fait que commencer. Les aptitudes nécessaires à empathiser avec des programmes informatiques, avec des machines ou avec des entités abstraites sont loin des aptitudes normales des hominidés. Si le cerveau moyen était la norme, l’humanité n'évoluerait jamais: il faut donc réaffirmer que seule la déviance peut être une norme, sous la forme de la neurodiversité.
En utilisant le concept d’empathie à propos de la programmation informatique, on se réfère à l’histoire de la psychologie, qui a longtemps supposé que des personnes atteintes de troubles du spectre autistique étaient incapables d’empathie. Si leur “théorie de l’esprit” était touchée, la manière dont ils infèrent sur les contenus mentaux d’autres personnes n’est pas conforme à la moyenne et génère de fait des malentendus sur une échelle sociale. Ces malentendus seront après-coup désignés comme des symptômes d’anormalité. Le relativisme a ses limites, mais à mesure que l’équilibre change, il est grand temps d’en finir avec la présupposition solennelle que le monde pourrait être quelque chose d’objectif, de normal, ou même de réel.
Parmi les défenseurs d’une critique sociale plus profonde, il y a ceux qui accepteront de remettre en question leurs privilèges, et ceux qui refuseront de le faire. Le terme “Féminisme” est associé a un aspect de cette critique qui a longtemps été délaissée des principaux enjeux des détenteurs du pouvoir, dans notre contexte une certain élite patriarcale. Dans l’histoire de la philosophie occidentale et celle de l’activisme politique, une série de figures devraient être surlignées, bien qu’il ne s’agisse pas d’une histoire complète de l’éveil du féminisme comme une réalisation de la distribution inégale du capital social à partir de la valorisation différentielle et à la hiérarchisation consécutive de toutes les tâches performées par des humains. Les coutumes humaines s’adaptent lentement aux réalisations collectives, parce que ces dernières sont généralement combattues par ceux qui profitent de cet état inégal des choses.
Le ton patriarcal adopté par la majorité des sociétés actuelles n’a pas une très longue histoire évolutive. Comme beaucoup d’autres espèces, les hominidés ont développé des modèles politiques matriarcaux et des coutumes sociales qui survivent jusqu’à aujourd’hui. Mais les sociétés androcentriques ont marqué leur intention de différencier les devoirs du genre féminin des privilèges du masculin. Les individus transgenres ont toujours été là, mais les orientations sexuelles et les identités de genre ne passent plus désormais comme étant des points de références objectifs. Les cultures humaines ont souvent été assez pauvres dans leurs manières de se distinguer les unes des autres que leur outil principal d’auto-préservation a souvent été la haine de l’autre. De la même manière, la fragilité du modèle hétéro-normatif monogame a souvent mené les foules à la haine aveugle de l’homoérotisme. Bien que les normes aient évolué, ce phénomène est distinctif d’une certaine phase dans le développement humain, une phase à laquelle certains individus et même certaines sociétés sont toujours attachées. Ainsi le combat contre l’oppression du queer est un phénomène social très signifiant, lié aux vagues successives de féminisme que l’Occident a vécues ces derniers siècles. La théorie queer et les études de genre se rejoignent dans la réalisation que les préjugés sociaux genrés et normés sont de nature oppressante. Le XénoXénisme utilise la psychologie évolutionniste comme une matrice pour des hypothèses spéculatives à propos des comportements sexuels et des normes qui s’y appliquent, car la théorie populaire est que les Néandertaliens n’étaient pas genrés de la même façon que les Homo Sapiens. Y-a-t-il jamais eu un combat du matriarcat contre le patriarcat, comme le suggère le changement brutal d’orientation du Panthéon Antique? Il n’est pas encore trop tard pour apprendre du passé.
La montée du mouvement Transgenre amène avec lui la remise en question d’une série de concepts que certains penseurs avaient cherché à mettre à mal, comme l’idée d’immutabilité individuelle, l’élimination du mariage comme institution, et la poly-parentalité. L’éducation des enfants a été considéré comme étant le travail des femmes dans le cadre des politiques patriarcales; les politiques transgenres pourraient rassembler toutes les technologies dont est capable l’humanité afin de donner à tout un chacun la possibilité de procréer. Bien que de telles perspectives posent le problème de l’eugénisme beaucoup trop brutalement, il implique pour ainsi dire une révolution dans les méthodes d’éducation. Idéalement, cela pourrait amener l’humanité un pas plus loin dans un sens fouriériste: des crèches collectives pourraient mener au développement de dynamiques sociales entièrement neuves, ignorant la quête de la propriété et protégée de la nature compétitive du foyer hétéronormatif patriarcal.
Le XénoXénisme peut être comparé au Bouddhisme Zen dans son désir de produire des comportements non-filtrés dans des contextes bien orchestrés. Le Bouddhisme Zen ne s’explique pas autant qu’il ne jette de la dérision sur ce qu’il ne considère pas pertinent. Le Zen est certainement autre, pour tous ceux qui ont été modelés dans une société monothéiste. Le Bouddhisme est comparable avec d’autres croyances; le Zen, comme variété spécifique de ce mode de pensée, distingue le pouvoir de la collectivité de l’esclavage de l’individu. Par ailleurs, le Zen est une manière de produire de sens à partir de ce qui est arbitraire ou insensé sans justifier une idéologie à part entière. Pour cette raison, d’un point de vue non-Bouddhiste, il s’agit d’un parfait exemple d’altérité, fataliste et non-obstrusive. Qui plus est, le Zen dispose d’une notion d’altérité, qui est à la limite de l’absurde: seul l’esprit conscient de lui-même ne peut percevoir quoi que ce soit comme autre que lui. Les seuls à croire à l’altérité sont en définitive ceux qui sont incapables de se débarrasser de cet obstacle primitif qu’est la conscience de soi. Pour cette raison, devenir autre, par rapport au Zen, implique d’atteindre un stade de vie qui cristallise une expérience unique, dans laquelle on perd jusqu’au souvenir d’avoir jamais perçu aucune limite, où que ce soit. Ces instants dans la vie peuvent être vus comme des prises de conscience, et selon la définition de “satori” que l’on choisit, cet objectif semblera plus ou moins désirable. Aussi inspirant qu’elle puisse être, la vie d’un moine Zen ne permet pourtant pas d’employer tous les avantages de la situation historique actuelle. La principale raison en est que le Zen valorise l’hygiène naturelle et la disciplinedu corps. Les maîtres Zen sont pourtant connus pour se permettre d’occasionnels abus de breuvages alcoolisés comme d’autres penseurs célèbres de par le monde, dont Rumi ou Omar Khayam. L’époque actuelle dispose de nouveaux outils permettant de sonder son propre esprit sans conscience de soi: les psychotropes, pour court-circuiter les branchements de nos neurones, ne sont pas pour autant les bienvenus dans la culture Zen.
Le XénoXénisme est décrit optimalement comme une implémentation MVC du Spinozisme. MCV est l’acronyme du motif Modèle/Contrôleur/Visualistion utilisé dans certains langages de programmation, afin de mêler trois éléments, trois couches ontologiques qui décrivent la réalité. La première de ces couches est le modèle, soit le programme, la substance, la nature ou dieu. La seconde couche est celle de la visualisation, qui spécifie comment le modèle s’exprime dans l’espace et dans le temps. Il peut être appelé design ou l’esprit du programme: il désigne la manière dont le contenu est incarné et actualisé. La troisième couche, le contrôleur, est l’ensemble des méthodes qui permettent l’interaction entre le contenu et l’utilisateur. à travers le design du programme. Le contrôleur est la couche qui inclut la programmation informatique en tant que telle, effectuant les processus d’interactions en tâches de fond. À mesure que le programme crée des affects chez l’utilisateur, ils peuvent être pris en compte. Un programme interagit directement avec l’aptitude de son utilisateur à persister dans son être. Les utilisateurs emploient simultanément un programme qu’ils appellent réalité, et dont les couches correspondent respectivement au contenu de leurs capacités neurobiologiques, de leur manière de communiquer avec leur entourage et des méthodes qu’ils ont développées dans ce but. La conscience est basée sur une série d’expériences subjectives, vécues à travers un même système nerveux, dont les méthodes sont implémentées selon différents styles. Les différentes couches qui composent la conscience sont capables d’atteindre des points d’harmonie, par l’emploi raisonné du design et du style. Les méthodes utilisées par l’utilisateur afin d’interagir avec un programme dépendent de leurs fonctions les plus basiques, celles à travers lesquelles ils interprètent leur entourage à partir de leur flux sensitif. Puisque le faisceau de la conscience peut être subdivisé en une infinité de consciences, croire à l’unité ontologique de l’individualité est une illusion, et la question de l’altérité ne peut être qu’une construction sociale, constitutive de la réalité compétitive dans laquelle vivent les utilisateurs. Un exemple classique de la théorie Modèle/Controleur/Vue est l’ensemble HTML/CSS/JavaScript. Le XénoXénisme comprend le monde comme un ensemble composé de trois couches: la série infinie de personnalités conscientes que toute créature sensible expérimente, l’apparence et le rendu de l’expérience immédiate et les fonctions au travail dans le monde social. Chacune de ces couches mérite une description appropriée, car leur processus superposés doivent être compris comme fonctionnellement différenciés.
La récursivité est une expression créative de la pensée critique, un schéma de pensée qui permet d’exprimer le mépris de la pensée consciente et sa mise en abyme inhérente. La psychologie populaire affirme que la conscience de soi et l’embarras qu’elle génère garantissent le respect des valeurs sociales, mais l’observation attentive des mécanismes du vivant révèle des schémas de co-existence d’événements autonomes. La seule conclusion possible est que les schémas sociaux sont d’une magnitude telle que les individus sont réellement incapables d’agir sur eux consciemment. Tout ce qu’il reste pour la psychologie comportementale est donc une philosophie pratique hybride faite de Cynisme et de Scepticisme. Le scepticisme est une école de philosophie Antique, qui affirme que la sagesse ultime, qui mène au bonheur, consiste à réduire tous les processus à leur dualité essentielle, tout en étant capable de les voir comme deux possibilités équivalentes. Leur devise, “ou mallon”, signifiant “pas plus l’un que l’autre”. D’après Pyrrhon d’Elis, la stabilité psychologique, ou plutôt l’état d’équanimité ne peut être atteint qu’à travers ce qu’il appelait la suspension du jugement. Le but de ce processus peut facilement être comparé au Bouddhisme Zen, qui nie l’existence d’une division nette entre les choses, ce qui rend le concept d’altérité futile.Ces deux écoles de pensée emploient la récursivité comme un outil afin de générer de l’absurde: produire du sens à partir d’affirmations ouvertement contradictoires est au-delà de la logique, le but du processus étant de retirer à l’esprit ses fausses apparences. Utiliser les règles logiques au-delà de la logique est ironique et insensé, et dans ce sens mérite d’être reconnu comme un schéma comportemental impliqué dans le déploiement de toute créativité artistique.
La spontanéité et les comportements instinctifs sont des générateurs de comportements arbitraires, contextuels et continuellement actualisés. S’intéresser aux réactions stéréotypées et à leur irreproductibilité nous permet de percevoir l’absurdité en tant que processus structurant la réalité tout entière. L’originalité est aussi instinctive que l’échec, et ils soulignent tous deux la nature performative de l’existence sociale. Les tentatives font de nous ce que nous devenons, et elles peuvent être décrites comme un ensemble d’événements indépendants de leurs conséquences. Pour ceux qui voudraient échapper à ce déterminisme, l’attitude à adopter est de s’isoler des passions temporaires de la conscience de soi, et d’en finir avec le mythe du monde réel, à travers la ritualisation de la spontanéité. D’un côté, il est impossible d’atteindre l’exactitude absolue présupposée par l’ambition de produire un rituel. D’un autre côté, chaque micro-variation, chaque pas de côté par rapport au rituel, aussi vivant et spontané qu’elles puissent être, se ritualisent au fur et à mesure de leur production. Ce processus contraint les types d’événements: l’oubli devient omission, l’erreur devient décision. Les événements ne sont pas seulement rationalisés et contraints par les artistes, ils transparaissent dans l’espace social comme un spectre d’intensités individuelles qui reflètent l’état actuel de la psychologie populaire. L’art est produit continuellement, et les valeurs esthétiques le suivent, jusqu’à ce que la boucle s’inverse. L’évolution des outils de production a rendu la création numérique accessible à une vaste population toujours croissante. Des expériences pures ou non-médiées peuvent survenir dans n’importe quel contexte, à n’importe quel niveau de visibilité sociale. Une expérience ritualisée est plus facilement atteinte dans la solitude, puisque cet état facilite dans bien des cas l’auto-détermination. De même, plus il y aura d’individus prenant part active ou passive au rituel, le plus ce dernier gagne de valeur sociale. Plus il y aura d’individus s’accordant sur le cours d’une série d’événements particuliers, puisque la valeur performative et symbolique d’une action est bien plus importante que l’apparence sous laquelle elle se présente. Si elle est rationalisée en temps réel, n’importe quel comportement peut être mystifié et peut par la même occasion être utilisé comme outil de mystification.
La Bible du XénoXénisme: concept+textes de Benjamin Efrati, Character design par Zsuzsana Kreif, Background Design par Petra Marjai, Animation par Borbála Zétény et Diego Verastegui; musique par Wassim Halal and Laurent Clouet.